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Boumédiène Benyahia - Sélectionné pour le prestigieux Mahatma Gandhi Peace Prize 2025

2025-05-28    
   

Dans un contexte mondial marqué par la montée des conflits, des injustices et des divisions, la voix du Professeur Boumédiène Benyahia résonne avec force et clarté. Expert international en irénologie, islamologie, droits humains et diplomatie spirituelle, il vient de publier un Manifesto pour la reconnaissance du droit ontologique et universel à la paix. Ce texte ambitieux, fruit de plus de quinze années d’engagement sur le terrain du dialogue interreligieux et des droits humains, propose une avancée majeure dans le droit international : faire de la paix un droit humain fondamental, opposable et justiciable.

Nommé au prestigieux Mahatma Gandhi Peace Prize dans le cadre des International Star Excellence Awards 2025, dont le lauréat sera connu au mois de juin prochain, le Professeur Boumédiène Benyahia a bien voulu nous accorder un entretien exclusif afin de revenir sur les fondements, les ambitions et les enjeux de ce manifeste qui pourrait bien redéfinir les principes de la gouvernance mondiale.

Il vient également de publier un ouvrage coécrit avec l'islamologue Kahina Bahloul, Cheminer vers sois avec Dieu : Guide pratique de spiritualité musulmane (Madian Éditions, Mai 2025) un livre qui s’adresse à un lectorat en quête de sens, d’élévation intérieure et de repères éthiques dans le monde actuel.

Professeur Benyahia, qu’est-ce qui vous a motivé à rédiger ce manifeste pour le droit universel à la paix ?

Ma motivation repose sur une triple dimension : spirituelle, juridique, et éthique. Malgré les engagements internationaux, aucun instrument juridique contraignant ne reconnaît formellement la paix comme droit fondamental et justiciable. Ni la Charte de l’ONU, ni la DUDH ne le garantissent explicitement. Cette lacune m’est apparue comme une brèche majeure dans l’édifice des droits humains. Mon expérience dans des cadres tels que Faith for Rights (OHCHR), les projets européens PARTES..etc, les questions légales relatives au UN - FoRB Geneva (liberté de religion ou de conviction),  le projet sur l’adaptation du discours religieux en France (Grande Mosquée de Paris), ou encore les centaines de conférences et rencontres que j'avais organisé, m’a confronté à des réalités d’injustice et d’impuissance. Le manifeste répond à ce déficit en affirmant que la paix, enracinée dans la dignité humaine, doit être érigée en droit impératif, opposable et universel.

Pourquoi la paix doit-elle être un droit fondamental, et non un simple objectif moral ou politique

Parce que la paix est la condition d’effectivité de tous les autres droits humains. En l’absence de paix, la vie, la liberté, l’éducation ou la santé deviennent inaccessibles. En 2025, près de 60 conflits armés sont actifs dans le monde (Uppsala Conflict Data Program), illustrant une carence normative grave. L’article 28 de la DUDH affirme un droit à un ordre international juste : or, aucun ordre ne peut exister sans paix. Reconnaître la paix comme un droit humain fondamental, c’est renforcer la cohérence du droit international. Ce n’est pas un idéal moral : c’est un impératif juridique.

En quoi votre approche de la paix diffère-t-elle du droit international classique ?

Le droit classique réduit la paix à l’absence de guerre entre États. Mon approche est ontologique et spirituelle : la paix est un état actif de justice, d’équilibre et de dignité, reconnu dans toutes les grandes traditions. En islam, As-Salāmest un nom divin ; dans le judaïsme, « toute la Torah n’a été donnée que pour la paix » ; Jésus déclare « Heureux les artisans de paix » ; le bouddhisme valorise Śānti et Ahimsa. Cette paix positive, telle que théorisée par Johan Galtung, implique justice sociale, reconnaissance mutuelle et harmonie collective. Je propose d’élever cette vision au rang de norme juridique universelle, enracinée dans la conscience humaine.

Quels sont les obstacles à la reconnaissance internationale du droit à la paix ?

Les freins sont politiques (peur d’une atteinte à la souveraineté) et juridiques (absence de précédents). Certains États redoutent une juridicisation de la paix qui limiterait leur marge stratégique. Pourtant, des droits jadis « utopiques » – comme le droit à un environnement sain – ont été intégrés. La paix suit la même logique. Le Juge Chile Eboe-Osuji, ancien président de la CPI, plaide ouvertement pour un nouveau traité international consacrant la paix comme droit fondamental. Le second obstacle est structurel : l’absence de mécanismes pour juger les violations de ce droit. D’où ma proposition d’un Pacte international, intégrant des obligations larges, ubiquitaires, pour répondre à ces lacunes.

Quels mécanismes de justiciabilité proposez-vous dans votre manifeste ?

Je propose deux niveaux :

1. Élargir la compétence des juridictions existantes (CIJ, CEDH, systèmes régionaux) pour qu’elles puissent juger des violations du droit à la paix (guerre d’agression, occupation, déstabilisation planifiée).

2. Créer un Comité international du droit à la paix, à l’image du Comité des droits de l’homme de l’ONU, pour recevoir des plaintes, enquêter et émettre des recommandations. Le principe juridique est clair : ubi jus, ibi remedium– là où il y a un droit, il doit y avoir un recours. Ces mécanismes visent à rendre la paix juridiquement exigible pour chaque personne et chaque peuple.

Quel rôle attribuez-vous aux traditions religieuses dans la promotion de la paix ?

Un rôle central. Bien comprises, les religions sont des piliers de la culture de paix : elles offrent une autorité morale, un langage symbolique, et un ancrage communautaire sans équivalent. Islam (Salām), judaïsme (Shalom), christianisme (Pax), hindouisme (Śānti) partagent tous une même vision d’une paix transcendante. Je plaide pour une alliance éthique entre droit et spiritualité, afin de faire des traditions religieuses des actrices du droit à la paix. Lorsque des leaders spirituels se lèvent ensemble, ils donnent chair à une paix incarnée, vécue et partagée. C’est ce que j’ai vu dans mes engagements interreligieux depuis 2010. La paix n’est pas seulement une norme juridique, c’est une vocation universelle.

Que signifie pour vous votre nomination au Gandhi Peace Prize 2025 ?

Je suis honoré d’être sélectionné (non encore lauréat) pour ce prix d’envergure mondiale. Il s’agit d’une reconnaissance morale forte, un encouragement à poursuivre le travail engagé. Être associé à l’héritage de Mahatma Gandhi, qui affirmait que « la paix est le chemin », donne une profondeur spirituelle à mon combat. Cette nomination me permet d’amplifier la portée du manifeste, de mobiliser les institutions et la société civile autour d’un objectif clair : reconnaître la paix comme un droit ontologique, fondé sur la dignité, défendu par le droit, et nourri par l’esprit. Elle inscrit mon travail, durant ces dernières années, dans le sens de la marche haute du monde, inspirée de la religion de l'Amour telle qu'elle a été explicitée par cheikh Akbar Ibn Arabi, active, responsable et universelle.

Boumédiène Benyahia cChic Magazin Schweiz