2025-06-03 | ![]() ![]() |
L’envie grandissante de connaître la Chine donne des idées aux amateurs de découvertes hors frontières. Après les grands sites classiques comme la Cité interdite de Beijing, la Grande muraille ou les statues en terre cuite de Xi’an, le site montagnard de Lijiang est une bonne entrée en matière pour découvrir une Chine moins connue.
Lijiang se situe dans la partie ouest de la Chine, dans la province de Yunnan, et fait frontière commune avec l’est du Tibet et le nord de la Birmanie, non loin des sources du fleuve Yangtze, que l’on retrouve en fin de course à Shanghai, à environ 2500 km de là à vol d’oiseau. Mais ce qu’il y a de plus intéressant encore est de savoir que cette ville est depuis des siècles la plaque tournante d’échanges culturels et économiques entre le Tibet et la province du Yunnan, départ des caravanes millénaires de fiers cavaliers Naxis. Ils cimentèrent les relations entre les deux pays depuis la dynastie chinoise Qin (212) jusqu’à celle des Ming (1644). Comme pour immortaliser cette tradition, on voit encore de grands hommes à la barbe hirsute, aux bonnets de hussard et aux vestes en peau de yak guidant leurs chevaux blancs dans les rues de Lijiang d’un air désabusé.
Inutile de préciser que cette région est l’une des plus montagneuses de la Chine et fière de se trouver au pied de la chaîne du Dragon de Jade (altitude 5596 mètres) que les Chinois aiment à comparer au Matterhorn.
C’est dans la préfecture de Lijiang que se concentrent plusieurs des plus anciennes peuplades paysannes en voie de disparition et bénéficiant encore d’un statut semiindépendant comme, tout d’abord, les Naxis, majoritaires, mais aussi d’autres, comme les Mosuo, les Mu, les Taliu ou les Yi que l’on croise dans les rues de Lijiang en costume traditionnel sans aucun dictat touristique imposé. Les Yi jalonnent volontiers le parcours panoramique en haut du télésiège du Dragon de Jade et, grâce à un matériel photographique sophistiqué, sollicitent en permanence les touristes pour les costumer à leur tour, les enrôler dans une danse folklorique et, surtout, les prendre en photo avec les hauts sommets en arrière-plan (par temps clair), ce qu’adorent entre autres, les nombreux visiteurs coréens. Pour qui ne se lasse pas du paysage de montagne, le spectacle environnant est grandiose, avec des falaises multicolores, des pics escarpés, et, surtout, des rivières et leurs méandres, comme la grande boucle du Yangtzé qu’on dirait sortie du canyon du Colorado, les rapides de la rivière Lancang et les ondes tranquilles des rivières Nu ou Jingsha.
«Un pont par jour de l’année», est le slogan que les habitants répètent inlassablement aux visiteurs. Il est vrai que les vieux quartiers de Lijiang avec leurs maisons aux toits de tuiles noires et relevés aux quatre coins sont traversés par trois rivières de montagne parallèles et parfois canalisées, sur lesquelles ont été jetés des ponts, en majorité en bois. Cela donne un charme infini au vieux quartier appelé Dayan. Ces rivières et leurs berges lui donnent un côté bucolique et convivial avec une enfilade de boutiques et de petits restaurants servant des brochettes, des soupes et autres spécialités naxis.
Dayan, dont les anciennes maisons sont protégées par l’UNESCO, est aussi le lieu le plus visité et truffé de boutiques en tous genres, à l’instar de certains souks nordafricains, mais, fort heureusement pour les férus d’authenticité, elle a sa réplique plus authentique et moins courue à la périphérie de la ville, qui porte le nom de Shuhe, également classée au patrimoine de l’UNESCO.
Bien sûr, les boutiques fleurissent aussi à Shuhe et, d’ailleurs, une ville n’est-elle pas en premier lieu un carrefour commercial? Mais les maisons y sont moins restaurées, le pont de pierre, bien solide, n’a pas été reconstruit et, surtout, pour qui fait l’effort d’aller jusqu’au bout du chemin qui traverse la ville, des images émouvantes et qu’auraient aimé peindre un Manet, un Degas ou un Fragonard sont au rendez-vous. Ce sont, en permanence, des petits restaurants en terrasse sur une berge de la rivière avec les petits enfants courant en tous sens, et des jardins potagers sur l’autre berge, avec les paysans agenouillés récoltant les légumes que vous mangerez immédiatement dans votre fondue naxi: de quoi vous réconcilier avec le genre humain. La curiosité aidant, vous prendrez peut-être l’initiative d’escalader un petit sentier pentu au bout duquel vous bénéficierez d’une vue superbe sur les toits de Shuhe, avec les montagnes pour toile de fond.
Le tourisme en Chine aujourd’hui: Ne vous imaginez pas que les touristes «classiques», je veux dire ceux qui se prennent en photo devant tous les monuments et ceux qui se déplacent en grands groupes ne se retrouvent pas à Lijiang. Au contraire, ils sont nombreux, surtout dans la file d’attente du télésiège menant au Dragon de Jade, mais, après tout, le dépaysement asiatique demeure intact avec, en majorité les touristes chinois, puis les Japonais et les Coréens. Les Occidentaux restent encore en nette minorité. Une prochaine visite en Chine vous fera constater que les Chinois ont largement adopté l’économie de marché. Beaucoup possèdent un téléphone portable et les adolescents passent volontiers des messages à l’élu de leur coeur sous forme de «I chocolate you»! Les grandes cités sont entrées en plein dans la civilisation de consommation. Nous sommes loin de la révolution culturelle de Mao Zedong. La seule chose à admettre sans réserve est l’immensité de ce pays qui oblige à cinq heures d’avion entre Beijing et Lijiang et six heures entre Lijiang et Shanghai.
A Lijiang, la culture des Naxis est omniprésente et, pour qui n’en serait pas convaincu, il suffit de se réserver (assez à l’avance) une place sur les bancs du théâtre Baisha pour assister à un concert symphonique d’une musique quelque peu fossilisée, tant les musiciens, en majorité du troisième âge, semblent issus d’une tapisserie Ming et font l’effet de vieux sages. Rassurez-vous, cet orchestre d’une trentaine de musiciens est également composé de quelques jeunes, dont un choeur de jeunes femmes. Quasiment l’ensemble des instruments traditionnels chinois y sont représentés. Pour qui s’intéresse à la musique traditionnelle, le spectacle d’inspiration taôiste, combinaison des anciennes musiques Donging et Baisha, est passionnant et les consonances sont parfois étrangement similaires à celles de la musique celtique. Les commentaires du présentateur naxi sont certainement désopilants pour les personnes comprenant le chinois (à en croire les rires des spectateurs), mais moins pour les Occidentaux, vu les traductions lacunaires faites en anglais. Mais, que ne ferait-on pas pour écouter une musique traditionnelle d’une telle qualité!
A quelques pas du quartier de Dayan se trouve le parc de Yuquan qu’on appelle aussi le parc de l’étang du Dragon Noir.
C’est un havre de paix avec, comme tableau dominant, celui qu’on appelle le «pont des poissons rouges» se reflétant dans l’étang, une pagode datant des Ming et, en arrière-plan, le sommet du Yuquan appartenant à la chaîne du Dragon de Jade.
Gérard Blanc, texte et photos
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